Mercredi matin. Je repose sèchement mon portable sur la table en fer de la cuisine pour couper court au flot d'informations anxiogènes que je viens de me prendre en pleine face : "Nous avons 3 ans pour sauver la Terre", "Retour sur les crimes de guerre à Boutcha", "Le Pen-Macron au 2nd Tour" ... Je m'étais pourtant promis d'allumer mon telephone seulement une fois arrivée au bureau. Je sens l'angoisse monter. Toutes les cellules de mon corps - confortablement installé dans un appartement parisien - tentent d'aller à contre courant de la morosité ambiante de la planète Terre.
J'ai découvert récemment les travaux de Viktor Frankl, le créateur de la logothérapie, une psychothérapie destinée à sensibiliser l'individu au sens de sa vie. Frankl soutient que les principales causes de névrose sont la perte de sens. "Lorsqu'on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s'améliore" C'est lors de son expérience des camps de concentration qu'il développe cette hypothèse. Dans son 1er livre, et ça m’avait marqué, il décrit l'état d'esprit des Européens, post 2nde guerre mondiale vivant dans la peur d'une attaque nucléaire. Une expression est alors très à la mode : "Après moi, la bombe !" Une sorte de mantra nihiliste pour continuer de vivre avec la perspective d'un lendemain dramatique.
De retour dans ma cuisine. Mon fils débarque tout sourire et m'extirpe de ma paralysie cérébrale. Je l'emmène à la crèche puis j'enfourche mon vélo de bobo Montmartroise direction mes bureaux à La Chapelle. À mesure que je descends la Butte à toute vitesse, le pouls de la ville me dépressurise littéralement. Arrivée vers Barbès, c’est jour de marché, je décide de laisser mon vélo et m'engouffre sous le métro aérien. Un grand Soleil rend la scène photographique. Les étals de fruits et légumes, de viande & de quincaillerie s'étalent à perte de vue. Déjà certains caddies débordent de victuailles. Des commerçants finissent leurs installations vidants leurs gros camions tagués touts droits venus de Rungis. Je croise le regards de certains. On a le même âge, pas la même vie, sûrement les mêmes tergiversations.
Ça gueule dans tous les sens. Ma paralysie matinale finit de se délier. La ville vibre, le tout venant s'affaire à sa tache. C'est le moment le plus rassurant de ma semaine. Et je me dis : La vie continue, Sarah, la vie continue. Et tant qu'il y aura de la vie, il y aura du sens. Voilà, il est la mon but ultime : continuer de ressentir. Avec mes amis, ma famille, à Paris et ailleurs : VIVRE. Alors ... c'est quoi notre expression à nous en 2022 ? Après nous ... quoi ? A vous de me dire.
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