Il y a quelques semaines, un lundi matin, je débarque à Paris, rechargée à bloc d’un long week-end bourguignon avec mes copines d’amour et de shlag.
Shlag ?! En gros, nous avons passé trois jours en jogging, à parler de la vie, à manger des Monster Munch et du Pandoro et pleurer devant des films avec Julia Roberts. La vie, la vraie. (Des bisous Lisa, Justine et Fanny si vous me lisez)
Je dois rentrer plus tôt que prévu. Ça les fait rire parce que je n’arrête pas de dire, « Lundi, je vous abandonne les meufs, j’ai shooting-cul ».
En effet, quelques jours avant, j’ai été contacté pour remplacer une autre femme enceinte. La marque de culottes menstruelles MOODZ cherche une personne au ventre rond pour shooter sa nouvelle gamme pour future maman. Autrement dit : une gamme pour fuites urinaires pour le pré et post-partum.
Pour les nouvelles·aux, je suis enceinte de 7 mois 1/2 de mon deuxième enfant.
C’est plutôt bien payé, la marque est cool, montre des vrais corps, sans aucune retouche. Je connais la fondatrice, Caroline, du temps de mon agence de communication ainsi que le photographe, Thomas, avec qui j’ai déjà travaillé et que je sais très doué et pro.
J’accepte. Cela sera donc moi l’étendard body-positive des fuites urinaires.
Je vous écrivais la semaine dernière que j’étais OK avec mon corps. Je n’ai plus vraiment de problèmes avec son apparence. Ma première grossesse y est pour quelque chose. Et puis j’aime bien poser, ça m’amuse, je joue.
Bref ! Je me suis réconciliée avec mon corps après des années de désamour.
Et bien, ce shooting-cul a failli ébranlé cette harmonie.
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Vers midi, j’arrive sur le lieu du shooting.
Rappelez-vous, je sors de trois jours dans le plus grand confort de mon jogging dans une Bourgogne à 0° et en compagnie de mes copines. Je crois que ma peau n’a pas été découverte, à part, rapidement, dans l’exiguïté de la salle de bain de notre chambre d’hôtes.
L’équipe est à fond. Elle est sur le pied de guerre depuis très tôt le matin.
Le photographe est en pleine prise de vue. Il est en train de photographier Hélène, sublime, en culotte et petit haut. Sûre d’elle, belle, elle pose avec assurance.
La playlist est entraînante, il fait chaud, tout le monde s’affaire à sa tache.
On m’installe dans une petite pièce pour se changer et se faire maquiller. Je fais connaissance avec une autre créature magnifique : Zoé qui est en train de changer de “look”. Elle est aussi, presque à poil. À l’aise, elle n’hésite pas une seconde quand on lui demande d’esquisser quelques mouvements pour un Reel qui finira sur Instagram.
Là, j’avoue, une petite angoisse me saisit.
Je ne suis pas mannequin, je ne sais pas poser, je suis enceinte, j’ai mangé mille Monster Munch pendant trois jours et PIRE encore … je ne m’étais même pas posé la question de paraître sexy pour ce shooting. J’imaginais que les photos et les poses allaient être plutôt candides. Pendant ma première grossesse, j’ai été pas mal prise en photo, mais c’était vraiment “cui-cui les petits oiseaux” par rapport à ce que l’on me demande là.
Enfin, on ne me demande rien. Je sens la pression monter.
Même si on parle de culottes menstruelles et de fuites urinaires, Zoé et Hélène débordent de sensualité. En bottes à talons et chapeaux de cow-boy, sur fond de Shania Twain, elles pourraient réveiller des morts !!!!
On me tend “mon premier look” : un soutien-gorge et une culotte léopard.
“Sarah, c’est ton tour, tu peux aller sur le set !”
WOW. Me voilà propulsée sous les projecteurs. Et je ne sais absolument pas quoi faire.
Au bout de quelques minutes, la Directrice Artistique vient me voir :
“Alors, il va falloir que tu sois plus affirmée, que l’on sente que tu ne t’excuses pas d’être là. Sois plus … badass, tu vois ce que je veux dire ?!”
Bien sûr que je vois ce que cela veut dire, c’était le nom de mon agence pendant 6 ans !!!
Je suis … pétrifiée.
Ensuite, sur le “retour photo”, je découvre en même temps que tout le monde les premiers clichés et là … Je me vois. Mon ventre est bien là. Mes cuisses sont plus épaisses que d’habitude, j’ai la peau un peu adipeuse et des bourrelets dans le dos.
NORMAL, je suis enceinte. Et puis même si je ne l’avais pas été … je sais que tous les corps sont uniques et beaux. Toute la déconstruction mentale réalisée depuis des années pour ne plus comparer mon corps à ceux que l’on voit, “parfait” et/ou retouché partout, vole en éclats.
Je fonce dans les toilettes. Je m’adresse à moi-même dans le miroir. “Sarah, tout va bien, tu es belle, tu es puissante, tu vas sortir d’ici et tu vas gérer, tu vas t’éclater ! La vie est trop courte pour se détester !”
Et puis la journée a filé et j’ai pris mon pied. Vraiment. Vraiment, vraiment, vraiment.
J’ai eu l’occasion de me sentir sexy, enceinte. Mais pas sexy dans le sens patriarcal du terme ; pas “baisable”, excusez-moi l’expression. Sexy, pour moi. Puissante, pour moi.
Quand on attend un enfant, le corps devient fonctionnel. Il porte puis va donner la vie.
Aux yeux de la société et de nous-mêmes, on passe dans une nouvelle catégorie de femmes. Les deux archétypes de “mère” et de “putain” ne semblent pas être compatibles. J’emploie le mot « putain » dans son sens archétypal.
Couvrez ces seins, ce boule, que nous ne saurions voir …
Franchement, y’a des meufs comme Rihanna qui y sont pour beaucoup dans cette libération de corps de la femme enceinte*.
Finalement, ce n’est pas un·e autre qui me regardait, c’était moi.
Et encore une fois, l’exercice de jouer avec mon image m’a fait évoluer.
Du jugement, je suis passée à l’amour.
Et je ferais tout mon possible pour transmettre cela à ma fille.
Belle semaine,
S.
* À lire aussi, cet article de Megan Wallace dans le i-D sur la montée en puissance des mères dans les médias. Elle redéfinit le concept de MILF. À lire aussi, les commentaires en dessous du post Insta de l’article. Délicieux, haha. En anglais.
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T’es la plus Badass des sexy mamma
Love u