Il y a plusieurs semaines, nous nous sommes envolées vers l’Andalousie, à Séville, pour l’EVJF de ma meilleure amie d’enfance, Lisa.
Sur onze femmes trentenaires, nous étions deux femmes enceintes. Bonnie, qui attend son premier enfant et moi, un deuxième. Les neuf autres femmes étaient majoritairement mariées, pacsées ou en couple (le terme pour les impôts c’est : en concubinage). Celles célibataires étaient très bien comme ça ou sortaient de relations longues et s’en remettaient avec joie.
Les conversations sur la maternité sont allées bon train.
Et certaines questions que l’on m’a posées m’ont, un temps, désemparées.
Cette newsletter est la consolidation de mes réponses. Deux semaines plus tard, haha !
Je voulais aussi recouper ça avec une demande d’Hélène, membre de la communauté Bribes. Je vous la mets ci-dessous. Vous allez voir, je crois que tout s’aligne.
La majorité des questions sur la maternité portaient sur si OUI ou NON, la vie change du tout au tout quand on accueille un enfant dans sa vie.
Qu’est-ce qui change réellement ? Est-ce que l’on est moins libre, plus libre ? Est-ce que toutes nos angoisses disparaissent ? C’est possible de regretter sa vie d’avant ? Quelle “nouvelle femme” devient-on ?
Et bien, merci pour ces questions, mesdames, ça m’a bien fait gamberger !
Déjà, il faut contextualiser.
Je vis en France, dans un pays de droits, avec un certain accès à des soins et services.
Je viens d’une famille aisée et je gagne bien ma vie.
Mon mec est “déconstruit”.
Arrêtons-nous deux secondes sur ce terme (qui a fait hérisser le poil de l’acteur Vincent Cassel dans une interview).
Qu’est-ce qu’un homme “déconstruit” ?
Un homme qui fait sa part dans la dynamique du couple et surtout de la parentalité, qui fait “un travail sur lui”, qui a déboulonné les préjugés les plus archaïques, privilégié une vision moins limitée des normes de genre et une valorisation franche des réflexions féministes.
En d’autres termes, j’ai peu de charge mentale liée à notre fils.
Ma famille m’aide énormément : ma mère, ma belle-mère, mes cousines, mon frère. Nos ami·e·s sont là si nous avons besoin d’eux·elles quand nous galérons avec la garde.
“J’ai” une femme de ménage et une nounou. C’est un poste de dépense important mais, nous n’y transigerons pas.*
Et il y aussi toutes celles qui s’occupent de mon fils au quotidien. Je les appelle les fées, ce sont les merveilleuses femmes de la crèche où Eli va du lundi au vendredi et qui, clairement, sont en grande partie responsables de son éveil et son éducation.
BREF, vous l’avez compris, je suis une mère entourée, aidée, supportée.
Ceci étant dit :
NON, je ne me sens pas moins libre depuis que je suis mère.
NON, je n’ai pas l’impression que ma vie a changé du tout au tout.
NON, je ne me sens pas ralentie dans quoi que ce soit, au contraire.
Je crois, que, fondamentalement, le plus important, est de préserver son intégrité de femme. Et pour cela, il faut du temps pour soi, du temps seule. Du temps de recueillement.
Vous verrez ; avoir un enfant, fonder une famille, c’est une aventure exceptionnelle, mais cela éloigne de Soi.
Et c’est toute la thèse de Virginia Woolf dans Une chambre à soi en 1929. Si on la simplifie, c’est l’idée qu’une femme, pour être saine, bien dans sa peau et dans sa tête, a besoin de temps pour elle, rien que pour elle.
Rappelons nous quand même, que jusqu'à une époque toute récente, les femmes étaient savamment placées sous la dépendance spirituelle et économique des hommes et, nécessairement, réduites au silence.
Les choses ont changé, bien heureusement. Encore que, cela dépend de où vous vous situez sur le globe …
La maternité, aussi belle qu’elle soit, par son essence, est souvent de l’ordre de l’abnégation**.
C’est comme ça.
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Mes chèr·e·s· lecteur·rice·s, vous êtes les actr·rice·s et témoins directs de ce temps que je peux m’octroyer. Cela fait quatre mois tout pile que vous me lisez chaque semaine.
Bribes, c’est ma chambre à moi, avec une porte grande ouverte !
Quatre mois que j’écris pour vous et pour moi. Ce temps est si précieux et il m’élève.
J’ai mis plusieurs semaines à comprendre que c’était ma pratique artistique à moi.
Je me sens légitime. (et en discutant avec mon entourage, je comprends que nous avons tous un fort besoin de reconnaissance et de légitimité)
Ces temps d’écriture sont sacrés et prennent de plus en plus d’importance dans mon quotidien.
Devenir mère m’a aussi donné une confiance en moi plutôt magique.
Comme d’habitude, les anglophones ont l’expression parfaite : I CUT THE BULLSHIT.
On ne dirait pas comme ça, mais depuis que je suis maman, je me pose moins de questions, je fais.
J’y vais. Je fais. Je fonce.
Voilà ma réponse consolidée !
Que votre semaine soit belle.
S.
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* À ce sujet, il faut écouter l’épisode Qui gardera les enfants ? d’Un Podcast à Soi de Charlotte Bienaimé, produit par Arte Radio. Ecoutez tous les épisodes d’ailleurs, vous me remercierez après.
** À ce sujet, il faut lire La Femme et le sacrifice. D’Antigone à la femme d’à côté d’Anne Dufourmantelle, aux Éditions Denoël.
Il y aussi le très bon Les Femmes qui écrivent vivent dangereusement, de Laure Adler et Stefan Bollman, aux éditions Flammarion.
In fine, être mère , cela demande de tout rendre, de tout redonner, de ne rien garder. C'est le prix de la liberté, la liberté retrouvée de cette chambre à soi. Chaque chose en son temps.Ta mère qui t'aime.