J’ai écrit cette histoire pour mes deux grands-mères, Gisèle et Helga, et pour toutes les femmes de ma lignée. Leur sang coule dans mes veines et dans mes enfants après moi.
Shonna leva les yeux vers le ciel. Deux oiseaux géants de la forêt Verte s’engouffrèrent par le haut de la galerie. Son regard croisa celui de Galil. Ce fut le signal. Ils firent sonner avec force leurs cloches. Deux grandes portes métalliques vinrent fermer la galerie, la plongeant dans une pénombre silencieuse.
I
Voilà plusieurs semaines que Suzanne entendait des voix. Au début, les tous premiers instants quand cela avait commencé, elle n’y avait pas prêté attention. Il semblait que plusieurs personnes avaient une discussion dans la pièce d’à côté. Si elle se concentrait et qu’elle fermait les yeux, elle distinguait des voix et des bruits de vaisselle qu’on entrechoque.
Suzanne habitait au sixième étage d’un immeuble parisien sans ascenseur et depuis quelques mois elle était seule à son étage. Le cinquième était aussi inhabité. Une histoire d’héritage qui tardait. Deux étages, six appartements en tout et un seul seulement habité par Suzanne. Quand elle arrivait au cinquième, elle sentait parfois sur le palier le vide des pièces derrière les trois grandes portes en bois. Ses pas résonnaient sur le parquet. Ça lui plaisait bien, c’était comme être dans un donjon. Et puis elle avait besoin de ça. Du vide et du calme. Parfait.
Seulement il y avait ces voix. L’immeuble n’était pas mitoyen d’autres immeubles. Il trônait au-dessus de la Gare du Nord. Suzanne avait l'appartement “dans le coin”, huit fenêtres en tout qui donnaient sur la rue Jessaint et sur les rails de la gare. Pas de possibilités, donc, d’entendre des voisins d’un autre édifice qui serait collé au sien. Elle avait posé son oreille sur des canalisations apparentes dans l’entrée, sans succès.
Cette semaine-là, sans ses deux plus jeunes filles qui venaient une semaine sur deux, elle avait prévu de rester chez elle, de ne voir personne hormis une visite à sa mère et de finir d’écrire son roman. L’appartement était doté d’un grand salon lumineux. Il était devenu le nid de Suzanne, elle s’y sentait bien. Elle écrivait, elle avait de l’inspiration, elle aimait le quartier. Son éditrice était passée pour lire ce qui constituerait les derniers chapitres de son roman. Après avoir lu les ébauches, elle avait levé la tête, remonté ses lunettes sur son nez et esquissé un énorme sourire : “C’est exceptionnel, le monde de la Justice va trembler”.
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L’appartement se remplissait peu à peu de la lumière du soir si emblématique du début de l’été. Pour marquer une coupure dans sa journée d’écriture, Suzanne alla prendre une douche. Depuis qu’elle avait décidé d’écrire, et de ne faire que ça les semaines ou elle était célibataire sans enfants, ses journées étaient de long temps de création. Le soir, parfois, elle « datait » des hommes de tout âge et tout horizons, elle installait puis désinstallait les applications de rencontres au gré de ses envies. Cette double vie, contre toute attente, lui apportait plus d’équilibre qu’elle n’en avait jamais eu.
Elle regarda son téléphone : mardi 6 juillet 2023, 21h32.
Elle sortit de la salle de bain, nue, une épaisse serviette blanche nouée autour de la tête. En se dirigeant vers la fenêtre pour fumer une cigarette, elle se croisa dans un grand miroir qu’elle avait posé à même le sol en emménageant là. Il lui sembla alors apercevoir une ombre dans son sillage. Elle fit marche arrière. Plus rien. Deux sentiments vinrent habiter son esprit : de la peur et de l’amusement. Être nue et seule au milieu de cet appartement vide traversé par des courants d’air lui procura un frisson. Elle s'assit en tailleur au milieu du salon.
Elle ferma les yeux. D’abord, elle n’entendit rien. Elle trouva la situation absurde. Elle alla s’habiller rapidement, ôta la serviette de ses cheveux, enfila ce qu’elle trouva, saisit un coussin sur son lit.
Elle s’installa à nouveau au centre du salon, l’oreille tendue. Commença alors ce qu’elle appellera plus tard : “sa première séance d’écoute”.
Elle perçut une clameur sourde.
La suite dans deux semaines.
Vous venez de lire les premières lignes de “On ne meurt pas comme ça”. Un samedi sur deux, vous pourrez lire ce roman que j'écris maintenant depuis trois ans.
J'ai bien réfléchi et je veux le partager ainsi.
N'hésitez pas à me faire des retours !
Des baisers doux.
S.
J'ai hâte de lire la suite......